LA FUITE DES CERVEAUX EN RDC, UN FLEAU QUI MENACE LE DEVELOPPEMENT NATIONAL

cet article met en exergue les départs résiduels et massifs des ressources humaines les plus qualifiées de la Rdc. une fuite des cerveaux ne renvoie pas seulement à l’émigration, mais qui manifeste aussi une crise de confiance entre l’État et sa jeunesse.

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LA FUITE DES CERVEAUX EN RDC, UN FLEAU QUI MENACE LE DEVELOPPEMENT NATIONAL 

POLYCARPE OKOLONGO

La République démocratique du Congo (RDC), malgré ses énormes richesses naturelles, n’arrive pas à s’inscrire parmi les pays en voie de développement, l’un des grands paradoxes de ce pays se trouve dans le départ résiduel et massif de ses ressources humaines les plus qualifiées. Appelée fuite des cerveaux, ce phénomène désigne l’émigration des personnes prodigieusement cultivées et intelligentes ou techniquement aptes dans des pays avec de meilleures perspectives. En RDC, cette réalité s’amplifie d’année en année dans plusieurs secteurs des grands enjeux comme la santé, l’éducation, la recherche, ou la gouvernance. Une étude de la Banque africaine de développement (BAD, 2018) indique qu’au moins 45 % des étudiants congolais font le choix de quitter le pays dans les cinq ans après l’obtention de leurs diplômes. Ce constat a de quoi inquiéter et appelle à s’interroger sur les causes profondes de ce fléau, les conséquences de ce phénomène sur la société congolaise, et les solutions à envisager pour y remédier. 

 

La fuite des cerveaux en RDC est d’origine plurifactorielle, et il faut mentionner d’abord un contexte sociopolitique instable, des conditions économiques dégradées, et un manque de meritocratie et de valorisation du savoir. La précarité de l’emploi et l’absence de perspectives professionnelles sont des raisons qui incitent de nombreux jeunes diplômés à se projeter à l’étranger, seul horizon viable. Dans un pays où le chômage des jeunes dépasse les 60 %, la concurrence est rudes pour les quelques places disponibles (PNUD, 2021). 

le manque d’infrastructures de recherche et d’enseignement est un obstacle au développement scientifique. Les chercheurs ou enseignants universitaires sont souvent mal payés et mal équipés, avec un fonctionnement des systèmes administratifs et de gestion totalement obsolètes. Comme le souligne Nzongola-Ntalaja (2013), « l’élite congolaise a été abandonnée à elle-même, sans projet national de développement structuré ». 

La corruption, l’impunité, la non-observation du mérite dans les nominations aux postes de responsabilité éloigne et décourage ceux qui aspirent à servir le pays avec compétence et rectitude. La légitime aspiration à la reconnaissance et à l’élévation sociale conduit les meilleurs à chercher ailleurs un environnement plus juste et tourné davantage vers le mérite. 

ce fleau constitue une hémorragie pour la RDC. Il réduit les capacités du pays à planifier, gérer et mettre en œuvre avec succès ses politiques publiques. Dans le secteur de la santé, par exemple, il est à noter que la plupart des médecins formés localement exercent à l’extérieur, alors que les hôpitaux nationaux manquent des personnels qualifiés. Pour ce qui est de l’éducation, plusieurs universités vivent avec un corps académique vieillissant et sans relève formée. Le secteur de l’administration et de la technocratie n’est pas en reste, il souffre aussi d’un manque de corps aptes à répondre aux besoins de gouvernance contemporaine. Par ailleurs, cette fuite des cerveaux aggrave les inégalités : seuls les plus riches ou ceux qui ont des liens à l’étranger peuvent émigrer, laissant derrière eux une jeunesse engagée dans le désespoir, dont l’insatisfaction est souvent exploitée par les élites politiques pour des besoins électoraux. 

 

Pour répondre à cette situation, il y a des choses à mettre en œuvre à plusieurs niveaux: 

- Les politiques publiques incitatives; Il devient urgent de redéfinir les politiques éducatives et de développement en faveur d’approches visant à la réinsertion professionnelle des jeunes diplômés, à la relance de la recherche, à la reconnaissance du mérite. 

-Les coopérations avec la diaspora; Si la diaspora congolaise peut devenir un levier de développement, c’est qu’elle doit être insérée dans les projets nationaux via des programmes de transferts de compétences, de mentorat ou d’investissements particulièrement ciblés. 

- Les programmes de retour volontaire; Inspirée par des expériences comme celle du Rwanda ou du Ghana, la RDC pourrait voir la mise en place des mécanismes incitatifs pour faire revenir ses talents via des bourses, des modalités d’hébergement, des postes valorisants... 

- Le renforcement de l’État de droit : La lutte contre la corruption, la justice sociale et la sécurité sont les conditions sine qua non pour pouvoir retourner les compétences nationales à leur destination. 

Cette fuite des cerveaux ne renvoie pas seulement à l’émigration, mais elle manifeste aussi une crise de confiance entre l’État et sa jeunesse. Tant que l’État ne mettra pas en œuvre des dispositifs sérieux de mise en valeur de ses ressources humaines, il continuera de former pour le compte d’autrui. La RDC ne peut espérer de développement durable sans investir en capital humain. Comme disait Thomas Sankara, « il n’y a pas de développement sans hommes et femmes pour le porter ». Retenir ses cerveaux n’est pas un luxe, c’est la condition de survie nationale.


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